Projet des Filets Sociaux productifs ; un financement de 25 milliards de FCFA par la banque mondiale pour sortir 35 000 ménages du monde rural de la pauvreté :
Le Ministre MOUSSA DOSSO explique tout et pourquoi « … la redistribution des fruits de la croissance est une réalité ».
SC : Monsieur le Ministre, pourquoi un projet de filets sociaux en Côte d’Ivoire ?
MD : Je voudrais, de prime abord, vous témoigner toute ma gratitude pour l’opportunité que vous m’offrez de parler de cet important projet qui relève de mon département ministériel et duquel le Gouvernement et les populations attendent beaucoup.
Pour en revenir à votre question, il convient de noter que la décision de mettre en œuvre un projet de filets sociaux en Côte d’Ivoire tient compte du contexte socio-politique et de l’histoire récente du pays. Aussi, s’inscrit-elle dans un contexte global de développement tracé par la Stratégie Nationale de Protection Sociale adopté en mai 2014, et ce, en réponse au taux de pauvreté qui, selon les dernières données en date est d’environ 48%.
Ainsi, dans le souci de l’amélioration des conditions de vie des populations les plus vulnérables, le Gouvernement, avec l’appui technique et financier de la Banque Mondiale, s’est engagé depuis 2015, dans la dynamique de la mise en œuvre d’un programme de transferts monétaires à travers la mise en place d’un Projet de Filets Sociaux Productifs (PFSP). Le tout pour un montant de 25 milliards de FCFA sur 5 ans et sur financement IDA.
En effet, comme vous le savez la redistribution des fruits de la croissance que la Côte d’Ivoire enregistre depuis ces dernières années, sous l’impulsion de Son Excellence Monsieur le Président Alassane OUATTARA, est une réalité.
Le Gouvernement est imprégné de la nécessité d’apporter une assistance ou un accompagnement qui, au-delà des initiatives ponctuelles de solidarité relevant de situations conjoncturelles, intervient dans une logique de développement d’actions systémiques s’inscrivant dans la durée et tenant compte du vécu quotidien des populations, notamment les couches sociales les plus vulnérables.
SC : Monsieur le Ministre, que sous-entend donc ce concept de filets sociaux ?
MD : Il faut retenir de façon générale que le concept de filets sociaux également connu sous le vocable de transferts sociaux, ramène à des programmes de transfert non contributifs ciblant, d’une manière ou d’une autre, des individus ou des ménages pauvres ou vulnérables soit sans contrepartie, soit contre des obligations de travail ou des conditionnalités concernant l’utilisation des services sociaux de base. Ils intègrent également les transferts implicites ou indirects sous forme de subventions à la consommation et de mesures de gratuité dans les secteurs sociaux.
Les populations pauvres ou vulnérables auxquelles s’adressent les filets sociaux, sont des groupes de personnes incapables de satisfaire à leurs propres besoins essentiels ou qui risquent de basculer dans la pauvreté sous l’effet de chocs exogènes ou de problèmes socioéconomiques tels que l’âge, la maladie ou le handicap.
De ce point de vue, en tant que dispositifs non financés par des cotisations (non contributifs), les filets sociaux forment, avec les régimes d’assurance sociale et les législations sociales, un ensemble global de programmes de protection sociale visant à réduire, selon le cas, la pauvreté et la vulnérabilité, à accroître l’accès aux services sociaux de base et/ou à assurer un minimum de bien-être économique.
Pour en revenir au cas spécifique du projet, cette notion ramène à des transferts directs sous la forme monétaire (en espèces) au bénéfice de ménages pauvres du milieu rural, sans contrepartie d’obligations de travail ni de conditionnalités. Elle inclue, toutefois, des mesures d’accompagnement visant le renforcement du capital humain et du capital productif desdits bénéficiaires (scolarisation, lutte contre la violence, nutrition, etc…).
SC : En fonction de ce que vous venez de dire, Monsieur le Ministre, quels liens sommes-nous en droit d’établir entre les notions de filets sociaux et de protection sociale ?
MD : Votre question me paraît assez pertinente dans la mesure où elle permet de lever toute ambiguïté sur les rapports entretenus par les deux (02) concepts.
En effet, la protection sociale, du point de vue sémantique, se définit comme l’ensemble des mesures publiques et privées (ayant une mission d’intérêt public) qui visent à réduire la vulnérabilité des populations aux risques et à l’impact des chocs, à éviter l’emploi de stratégies d’adaptation néfastes et à garantir des niveaux minima de dignité humaine. Elle renvoie donc aux notions de risque, de vulnérabilité, et de capacité.
La protection sociale intègre, par ailleurs, quatre (04) composantes ; à savoir les transferts sociaux ou filets sociaux et les services d’actions sociales qui forment, d’une part, sa dimension non contributive et la sécurité sociale ou services d’assurance sociale qui constitue, d’autre part, la dimension contributive. Ces deux (02) dimensions sont sous-tendues par la législation protectrice qui représente la quatrième et dernière composante.
En définitive, pour en revenir à votre question, il apparaît assez clairement que les filets sociaux sont une partie intégrante de la protection sociale, précisément dans sa dimension non contributive ; ils représentent l’une de ses quatre (04) composantes précédemment citées.
SC : Pour en revenir au projet, Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous dire quels sont les objectifs qu’il vise ?
MD : Le Projet de Filets Sociaux Productifs, à l’instar de tout autre projet de ce type, poursuit, conformément aux résultats d’une étude de la Banque Mondiale menée dans 22 pays de l’Afrique subsaharienne, l’objectif de la lutte contre la pauvreté.
De fait, en expérimentant ce projet, la Côte d’Ivoire rejoint, dans le concert des nations, de nombreux autres pays (Brésil, Chili, Philippines, Rwanda, Afrique du Sud, Libéria, Ghana, Guinée, Burkina-Faso…) qui s’inscrivent déjà dans la perspective de faire des filets sociaux une priorité nationale, en raison de leur efficacité avérée en matière de lutte contre la pauvreté.
Pour le Gouvernement ivoirien, l’idée est donc de contribuer à l’amélioration des revenus des ménages bénéficiaires à travers un investissement dans le capital humain en milieu rural d’extrême pauvreté. L’objectif étant de toucher in fine 35 000 ménages bénéficiaires sur la période 2015-2020 dont 5000 pour la phase pilote prévue pour 2016, soit environ 210 000 personnes concernées dont 30 000 pour la phase pilote.
Pour parvenir à cette amélioration des revenus des ménages bénéficiaires à travers le renforcement de leur capital productif et humain, le projet intègre en soi trois (03) défis majeurs consistant : (i) en la mise en place d’un programme des transferts monétaires au profit desdits ménages, (ii) au développement, à leur endroit, de mesures d’accompagnement pour les informer, les former et les sensibiliser aux bienfaits de l’investissement dans le capital humain et (iii) en la mise en place progressive des fondements d’un système national de filets sociaux incluant une méthode de ciblage, un registre unique des personnes pauvres et vulnérables et un système de suivi et évaluation.
SC : Concrètement, Monsieur le Ministre, quel est le montant de cette allocation et qui sont ceux qui pourront en bénéficier ?
MD : De façon concrète, le programme de transferts monétaires cible, en tant que bénéficiaires, les ménages pauvres du milieu rural des zones Centre, Nord et Ouest ayant en leur sein une/des femmes enceinte(s) et un/des enfant(s) dont l’âge varie entre 0 et 15 ans.
En effet, sur la base l’analyse de la cartographie de la pauvreté établie l’Enquête du Niveau de Vie des Ménages (ENV 2015), ces zones ont, d’une part, été identifiées comme celles à forte concentration de ménages pauvres. D’autre part, elle a permis, dans le cadre de la préparation de la phase pilote, de sélectionner par zone, la région enregistrant le taux de pauvreté le plus élevé. Il s’agit en l’occurrence : (i) du Gbêkê (67,21%) pour le Centre ; (iii) du Kabadougou (83,27%) pour le Nord et du Tonkpi (68,22%) pour l’Ouest.
L’idée est d’allouer, de façon trimestrielle, la somme de 36 000 francs CFA aux bénéficiaires, à raison de 12 000 francs CFA par mois, soit un montant global annuel de 144 000 francs CFA par ménage.
SC : Monsieur le Ministre, il se pose alors la question de l’identification de ces ménages bénéficiaires, comment seront-ils sélectionnés ?
MD : Je conviens avec vous que dans la suite logique de ce que je viens de dire, il apparaît opportun de s’interroger sur le mode opératoire de la sélection de ces ménages bénéficiaires. D’ailleurs, la question se pose avec beaucoup plus de pertinence et de précision lorsque l’on réalise, comme je viens de l’indiquer, que la phase pilote du projet nous conduit dans trois (03) régions.
Aussi, convient-il de noter à ce propos que le projet adopte une approche de ciblage à trois niveaux : (i) un ciblage géographique sur la base du critère de la pauvreté selon la cartographie établie par ENV ; (ii) un ciblage des ménages potentiellement bénéficiaires sur la base d’une enquête dite de test de revenus par approximation, c’est-à-dire Proxy Means Test (PMT) et (iii) une validation communautaire des listes provisoires de bénéficiaires.
Ainsi, le choix des zones Centre, Nord et Ouest et plus précisément celui des Régions du Gbêkê, du Kabadougou et du Tonkpi en tant que zones expérimentales participent de la logique du développement du ciblage géographique dont elles constituent des extrants.
C’est le lieu de réitérer nos sincères remerciements à la Banque Mondiale et à l’Institut National de Statistique (INS) qui n’ont ménagé aucun effort pour accompagner d’un point de vue technique l’Unité de Gestion du Projet dans le processus probant de développement et de mise en œuvre de cette méthode de ciblage géographique.
Notons à ce propos que les réflexions se poursuivent en vue de finaliser un mécanisme efficace prenant en compte les autres dimensions du processus de ciblage. Il s’agit, d’une part, de la finalisation, dans les jours à venir, de la méthode de sélection des villages bénéficiaires. Il est question, d’autre part, de procéder, sur la base des résultats de l’enquête test organisée à cet effet, à la finalisation des outils de collecte qui permettront d’évaluer le niveau de pauvreté des ménages des villages bénéficiaires et d’identifier les ménages potentiellement bénéficiaires. En somme, ces outils ont pour vocation de générer des listes provisoires de bénéficiaires qui feront, en dernier ressort, l’objet de validation avec les communautés villageoises afin de dégager un consensus autour de la liste définitive de bénéficiaires de la phase pilote du projet ainsi obtenue.
Cette approche qui se veut novatrice, constitue une première en Côte d’Ivoire, dans la mesure où elle devrait permettre d’aboutir à un registre unique de bénéficiaires et donc de personnes indigentes. D’autres programmes sociaux, notamment la Couverture Maladie Universelle, pourrait s’inscrire dans le même protocole et travailler avec ce registre.
SC : Comment ces allocations seront-elles payées aux ménages bénéficiaires ?
MD : Les expériences d’Amérique Latine et de certains pays de la sous-région permettent de noter le rôle important joué par les sociétés de téléphonie mobile (mobile money) ou les institutions de micro-finance.
Les résultats d’une étude, menée par la Société Financière Internationale du Groupe de la Banque mondiale (IFC) sur les modes de paiement oriente la tendance vers la possibilité d’un choix à opérer parmi plusieurs d’opportunités de mécanismes de paiement qui se présentent. Aussi, une étude complémentaire est-elle prévue afin d’affiner les réflexions et d’orienter vers un système efficace de paiement.
SC : Pensez-vous, M le Ministre, que le montant mensuel de 12 000 francs CFA alloué est suffisant pour sortir ces ménages de leur situation de pauvreté ?
MD : Vous faites bien de poser cette question qui me paraît assez importante et qui nécessite que certaines précisions soient faites. Je pense qu’il faut bien comprendre l’esprit et les enjeux de ce projet qui ne consistent pas à faire des œuvres de charité encore moins à faire de l’assistanat en allouant des montants conséquents susceptibles d’aider à la résolution de l’ensemble des problèmes du ménage, au risque de mettre à mal la cohésion au sein des communautés et le sens de l’entreprise.
L’idée est, bien au contraire, d’allouer un montant optimal susceptible d’assurer un niveau suffisant de soutien, afin de stimuler la consommation du ménage en termes de nourriture, de biens et services, tout en évitant les incitations perverses sur le travail ou les activités de subsistance.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en plus des transferts monétaires, des mesures d’accompagnement, d’encadrement des ménages seront initiées dans l’optique de favoriser une utilisation rationnelle des montants alloués et d’une amélioration de leur qualité de vie à travers un renforcement de leur capital productif et de leur capital humain. Retenons qu’en la matière, l’expérience internationale montre que les montants alloués dans le cadre des filets sociaux qui avoisinent les 15 à 20 % de l’ensemble de la consommation des ménages peuvent aider à atteindre ces objectifs.
Au regard donc de cet argumentaire, on peut affirmer que ce montant de 36 000 FCFA par trimestre à raison de 12 000 FCFA par mois est apport suffisant pour atteindre les objectifs assignés au projet.
SC : Quels sont les perspectives pour les mois à venir ?
MD : Les perspectives pour les mois à venir se résument pour l’essentiel à notre forte ambition de procéder aux premiers paiements des transferts aux bénéficiaires de la phase pilote du projet dès que les phases de préparation indispensables seront achevées d’ici la fin de cette année.
Nous sommes en effet conscients, mes collaborateurs et moi-même, que cette ambition pose, en amont et à juste titre, la question des défis à relever en ce qui concerne la sélection des villages bénéficiaires, l’identification des ménages bénéficiaires et la mise en place d’un mécanisme efficient de paiement de ces allocations.
Permettez que sur cette question, je puisse vous rassurer que les équipes, avec l’appui technique de la Banque Mondiale, sont à pieds d’œuvre et que des avancées notables sont enregistrées sur tous ces chantiers.
Aussi, voudrais-je porter à votre attention qu’un atelier de sélection des villages bénéficiaires de la phase pilote du projet est prévu les 21 et 22 juillet 2016 à Bouaké. Cet atelier mettra à contribution les autorités préfectorales des localités concernées, les Directeurs Régionaux en charge de la protection sociale ainsi des représentants des autorités coutumières desdites localités. Le souci étant de garantir à ce processus de sélection une transparence, une légitimité et un consensus minimum autour de la liste des premiers villages bénéficiaires.
SC : Que deviendra le projet au terme des cinq (05) années prévues pour sa durée d’exécution ?
MD : Votre question, pose en substance celle de la pérennité du projet. Je suis d’avis qu’elle mérite d’être posée tout comme celle de son extension progressive à l’ensemble du territoire pour couvrir le maximum de bénéficiaires.
Il reste bien entendu, à cet égard, que sur la base des résultats obtenus par le projet, de son l’impact sur le vécu quotidien des bénéficiaires, le gouvernement continuera aujourd’hui comme demain d’assurer cette responsabilité d’apporter soutien à ceux de nos concitoyens que la pauvreté a pu réduire au manque du strict minimum pour leur consommation et pour l’accessibilité aux services sociaux de base.
Pour s’en convaincre, s’il en était besoin, je ne peux que vous ramener à cet extrait du projet de gouvernement de Son Excellence Monsieur le Président de la République de Vivre Ensemble où il relevait au Chapitre VII : « Nous privilégierons l’efficacité économique et l’efficacité sociale ; efficacité économique parce que le rôle de l’Etat consiste en premier lieu à soutenir les activités productives et créatrices d’emplois (les pistes, les routes, les barrages…) ; efficacité sociale parce qu’il est du devoir de l’Etat d’assurer l’accessibilité aux services de base à une plus grande partie de la population (santé, eau potable, éducation…) ; l’Etat y consacrera au moins 20% des ressources ».
source: Service Communication UGPFS
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